En 2024, que signifie être apolitique pour une ONG comme Rezalliance ?
Cette question est particulièrement pertinente en période électorale, où les associations sont souvent scrutées pour leurs affiliations ou leurs influences perçues. C’est le sujet de ce 10e article sur les coulisses de Rezalliance, inspiré par une conversation récente durant laquelle un contact, membre du parti des « Verts », m’a lancée : « De toute manière, avec ton association, vous êtes de droite. » Une affirmation qui m’a stupéfaite. À ma question sur ce qui lui faisait dire cela, il a cité un événement organisé par Rezalliance auquel assistait une personnalité politique de droite.
Quelques semaines après avoir constaté l’ascension des partis d’extrême droite aux élections européennes, la remarque de mon interlocuteur a suscité des réflexions que je vous invite à explorer ensemble.
Une double mission
Sensibiliser au harcèlement sous toutes ses formes et renforcer l’inclusion dans le milieu du travail, telle est la double mission de Rezalliance. Il s’agit de mettre des mots sur les maux, nommer les problèmes pour mieux les analyser, de proposer des solutions constructives et d’encourager l’action individuelle et collective.
Le problème auquel on s’attaque est complexe, crucial et coûteux pour les individus qui en sont les cibles mais aussi pour la société dans son ensemble. Il règne pourtant un tabou, voire une omerta, autour du harcèlement et des discriminations qui gangrènent les organisations de travail.
Ce qu’on appelle pudiquement « burnout » cache très souvent des dépressions suite à du harcèlement au travail. Si on ne va pas regarder ce qui se cache derrière les chiffres, on ne peut pas apporter des solutions efficaces pour prévenir l’épidémie de désengagement, d’absentéisme et de maladies liées aux environnements de travail toxiques. Des maux qui en disent long sur l’état des organisations de travail et de la société dont nous faisons partie.
Un danger pour la santé et aussi pour l’économie
Parce qu’au niveau macro, c’est bien de santé et d’économie qu’il s’agit. Parce que les organisations de travail ne sont pas imperméables à ce qui se joue dans la société et parce qu’elles influencent à leur tour l’évolution de la société (les vases communicants), les organisations de travail ont un rôle primordial à jouer pour apaiser le monde dans lequel on vit. Lors de nos événements, nous invitons des représentants pertinents du monde politique et de l’entreprise à intervenir pour partager leurs perspectives sur les thématiques du harcèlement et de l’inclusion au travail. Pourquoi devrions-nous nous empêcher de parler avec des responsables politiques de droite ? Les partis dits de gauche ont-ils le monopole des valeurs d’humanisme ? Non, je ne le crois pas.
Le harcèlement et les discriminations ne concernent pas qu’une frange politique. Toute la société est concernée, et ces comportements peuvent aussi exister au sein même des partis politiques…
Je ne veux pas rester sur une note négative car j’ai aussi échangé avec d’autres membres et élus des « Verts » qui ont eu une tout autre réaction. Au lieu de me faire un procès d’intention, ils et elles ont posé des actions concrètes pour permettre à Rezalliance de réaliser ses missions et je les en remercie.
La question de la neutralité
Être apolitique, pour une ONG comme Rezalliance, ne signifie pas être neutre car nos valeurs fondamentales de respect, d’intégrité, d’égalité et d’inclusion nous obligent à prendre position contre toutes les formes d’injustice. En ce sens, être apolitique signifie travailler avec toutes les parties prenantes qui soutiennent nos actions pour un monde (du travail) plus sécurisant et plus équitable, et ce, quel que soit leur bord politique.
Le tri se fait très naturellement : celles et ceux qui ne partagent pas notre vision, ne soutiennent pas nos actions, n’achètent pas nos services et ne sponsorisent pas nos événements. Alors, oui, il faut faire attention aux agendas cachés de ceux qui disent nous soutenir, mais cela vaut pour tous les bords. C’est pourquoi nous ne nous contentons pas des belles paroles ni des beaux slogans, mais nous observons les actes.
Toutefois, il est crucial de maintenir une vigilance constante pour s’assurer que notre travail n’est pas instrumentalisé à des fins politiques. Nous devons veiller à ce que nos actions restent alignées sur nos valeurs, indépendamment des affiliations politiques des personnes avec lesquelles nous collaborons. Cela nous amène par exemple à décliner notre implication dans certains événements.
Que cela plaise ou non, nous continuerons à discuter, collaborer et travailler avec toutes les personnes et organisations souhaitant soutenir nos actions pour faire avancer l’égalité des droits entre tous les êtres humains sans exception. Ce n’est pas de la naïveté mais du pragmatisme, tout en veillant à ne prendre aucun engagement vis-à-vis d’un parti spécifique.
Société civile et inclusion
Il est important de rappeler que l’inclusion et l’égalité des droits ne sont pas l’apanage d’un seul bord politique. La lutte contre le harcèlement et les discriminations est un combat qui concerne toute la société. Les discriminations sont présentes dans tous les secteurs et touchent toutes les couches de la population. Des études de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) révèlent que le harcèlement et la violence au travail est un problème mondial (qui touche 1 personne sur 5 en emploi) qui nécessite une action concertée de toutes les parties prenantes, y compris les gouvernements, les employeurs et les travailleurs.
Pour Rezalliance, être apolitique, c’est aussi être une force de proposition et d’action indépendamment des étiquettes politiques. Nous nous concentrons sur notre mission : créer un environnement de travail sûr et inclusif, aider les individus affectés à se reconstruire et conseiller les organisations sur les meilleures pratiques inclusives. Nous croyons fermement que l’humanisme et l’égalité des droits sont des valeurs universelles.
« Le courage est la plus importante de toutes les vertus, car sans courage, vous ne pouvez pratiquer aucune autre vertu de manière constante. »– Maya Angelou
Cette citation de Mya Angelou est particulièrement pertinente dans notre contexte. Le courage est la qualité qui nous permet d’affirmer nos valeurs et de collaborer avec toutes les parties qui soutiennent nos actions, parce que nous gardons le focus sur la vision, que nous nous utilisons chaque pierre sur notre chemin comme tremplin pour atteindre notre objectif, servir le bien commun.
Mais force est de constater que le courage est probablement la qualité la moins répandue dans le monde…
Dans les situations de harcèlement ou de violence, les témoins détournent souvent le regard, par peur et/ou par égoïsme. Ce manque de courage est un obstacle majeur à la lutte contre les inégalités dont beaucoup se plaignent, y compris les témoins passifs de ces injustices. En tant qu’ONG, nous devons non seulement incarner ce courage dans nos actions et nos choix mais aussi l’inspirer chez les autres.
» L’avis des autres, ce n’est que la vie des autres » – Juliette Greco.
Cette citation de Juliette Greco nous rappelle qu’il faut refuser de se laisser définir par les opinions et jugements des autres, mais vivre sa propre vie selon ses propres valeurs et convictions.
En conclusion, l’engagement de Rezalliance est clair et assumé : Nous œuvrons pour un monde où chaque être humain, quelles que soient ses caractéristiques démographiques et cognitives, puisse travailler dans un environnement exempt de harcèlement et de discrimination. Nous continuerons à agir pour que les droits fondamentaux de chaque individu y soient respectés, nous le ferons avec toutes les personnes et toutes les organisations qui soutiennent cette mission, sans distinction de leur affiliation politique.
Il est urgent de transcender les clivages idéologiques pour capitaliser sur ce qui nous unit (nos valeurs) afin de construire ensemble une société plus juste, car la justice sociale est le véritable rempart contre la violence et le chaos. On peut être en désaccord sur la méthode mais si les valeurs sont partagées, alors on trouve toujours le moyen de discuter et de faire société.
💭 Des réflexions qui appellent d’autres questionnements… Et vous, quelle différence faites-vous entre apolitisme et neutralité ? En tant qu’individu ou organisation qui prône l’égalité des droits, pensez-vous qu’il soit possible de rester apolitique tout en prenant des positions fortes contre l’injustice ?
Je vous remercie de m’avoir lue.
Joëlle Payom – Fondatrice et Présidente de Rezalliance
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